Lors du processus d’acquisition du langage, tous les enfants peuvent présenter une période durant laquelle leur discours est hautement disfluent. Ces disfluences relatent essentiellement les difficultés motrices lors de l’émission de la parole (Monfrais-Pfauwadel, 2014) au moment de la complexification syntaxique mais ne définissent pas à elles seules le bégaiement. Dans ce contexte d’acquisition d’une langue où les disfluences peuvent apparaître chez tous les enfants au moment du développement syntaxique, nous nous sommes intéressés à la limite entre normo-fluence et bégaiement chez des enfants d’âge préscolaire. Les études sur le bégaiement précoce sont essentiellement anglophones ou proviennent de données du bégaiement adulte appliquées à l’enfant.
Afin d’étudier les disfluences typiques du bégaiement, l’impact des disfluences dans le développement syntaxique et les aspects prosodiques, nous avons choisi de comparer les productions en langage spontané et sur description d’image, d’enfants francophones normo-fluents et bègues, âgés de (2;09) mois à (5;11) mois. Pour chaque enfant, nous avons sélectionné les corpus les plus longs pour rendre compte au maximum de leurs capacités linguistiques et paralinguistiques.
Nos résultats suggèrent que la différence entre les disfluences des deux populations est essentiellement liée au degré de ces disfluences (Ambrose et Yairi, 1999). Les disfluences chez les enfants bègues sont plus fréquentes, les éléments répétés sont plus nombreux et sont accompagnés de plus de signes d’effort. Les enfants bègues présentent un pourcentage de disfluences typiques du bégaiement supérieur à 3%. Les enfants normo-fluents peuvent présenter quant à eux plus de 10% de disfluences totales mais moins de 3% de disfluences typiques du bégaiement dans leur discours. Ce qui confirme le critère d’alerte de 3% à partir duquel le diagnostic de bégaiement peut être posé. Les pauses sont les éléments prosodiques les plus atteints dans le bégaiement.
Pour finir, les enfants bègues ne présentent pas de retard en regard de leurs pairs normo-fluents dans leur développement syntaxique et dans leur diversité lexicale (Westby, 1974 ; Yairi et Watkins, 1997).