Apprendre la musique : un bon moyen pour développer ses fonctions exécutives ?

Même si dans les débuts, cela peut représenter une torture pour les oreilles des personnes qui nous entourent, apprendre à jouer d’un instrument de musique est bénéfique, non seulement pour notre épanouissement personnel, mais aussi pour notre cerveau. Une nouvelle étude publiée dans la revue Plos One, indique qu’une formation musicale précoce pourrait même optimiser le développement des fonctions exécutives chez les enfants. Résumé de cette recherche.

Les fonctions exécutives sont des fonctions cognitives élaborées permettant la gestion de comportements volontaires et l’organisation. Elles interviennent lorsque nous nous trouvons face à une situation nouvelle ou non routinière et elles mettent en œuvre trois processus : l’inhibition (pour s’empêcher ou arrêter de produire une réponse), la flexibilité (pour passer d’un comportement à un autre) et la planification (pour organiser une série d’actions en une séquence). La stimulation de ces fonctions de « haut niveau » nous permet de raisonner, prendre des décisions et résoudre des problèmes.

Ces capacités cognitives spécifiques se développent rapidement au cours de la petite enfance (même si certaines ont une trajectoire développementale à long terme) et pendant l’enfance et l’adolescence, les régions du cerveau préfrontal, essentielles pour les fonctions exécutives, se structurent. Plusieurs études ont suggéré que celles-ci sont impératives pour la réussite scolaire et quelques-unes ont mis en avant l’importance des activités extrascolaires dans l’amélioration des fonctions exécutives, et notamment l’apprentissage de la musique. En effet, jouer d’un instrument nécessite des compétences telles que l’attention soutenue ou la flexibilité cognitive. Même si elles restent débattues, des recherches ont montré que des personnes ayant une formation musicale présentaient des capacités cognitives, langagières et académiques supérieures à des personnes sans formation musicale, en lien possible avec le développement des fonctions exécutives.

Pour approfondir cette hypothèse, Gaab et ses collègues du Boston Children’s Hospital ont réalisé deux expériences : l’une avec 30 adultes et l’autre avec 27 enfants, avec et sans formation musicale. Tous les sujets ont été appariés pour le QI et les variables socioéconomiques et ont passé une batterie de tests cognitifs. Pour cet article, focalisons-nous sur le groupe des enfants de 9-12 ans (M = 10;9 ans). Celui-ci est constitué de 15 personnes formées musicalement (dont 8 filles) et 12 non formées (dont 8 filles). Les enfants musiciens jouaient au minimum depuis 2 ans d’un instrument (4h/semaine environ) et ont commencé à le pratiquer en moyenne à 5;9 ans. Pendant les tests cognitifs, l’activité cérébrale de ces jeunes participants a été enregistrée via l’imagerie fonctionnelle (IRMf) pendant les tests.

Les résultats montrent que comparés aux enfants sans formation musicale, les jeunes musiciens sont plus performants en fluidité verbale, en vitesse de traitement et présentent une activation nettement plus importante dans des zones spécifiques du cortex préfrontal (pendant les tâches de flexibilité cognitive) connues pour être liées aux fonctions exécutives. Quant aux musiciens adultes, eux aussi, par rapport aux non-musiciens, ont des résultats plus élevés en flexibilité cognitive, en mémoire de travail et en fluence verbale. Ces données confirment l’hypothèse selon laquelle la formation musicale pourrait favoriser le développement et le maintien de certaines fonctions exécutives qui pourraient servir de médiateur entre les compétences cognitives et les résultats scolaires accrus. Nadine Gaab, la principale auteure de l’étude, déclare d’ailleurs que : « puisque le fonctionnement exécutif est un fort prédicteur de la réussite scolaire, encore plus que le quotient intellectuel, nous pensons que nos résultats ont de fortes implication pour l’éducation. »

Si cette recherche ne détermine pas de lien de cause à effet (les jeunes musiciens pourraient avoir déjà des capacités de fonctionnement exécutif qui les attireraient vers l’apprentissage de la musique), elle laisse entrevoir une utilisation intéressante de la musique comme outil d’intervention non seulement pédagogique mais aussi thérapeutique (ex : les personnes qui présentent des troubles de l’attention).

Mickaël Lenfant
Docteur en Sciences du Langage, Service éditorial HappyNeuron

Source : J. Zuk, C. Benjamin, A. Kenyon, N. Gaab. « Behavioral and Neural Correlates of Executive Functioning in Musicians and Non-Musicians », in. PLoS ONE , 2014 (actualisé en janv.2018)