ÉTUDE EN COURS : Fatigabilité des patients porteurs d’un gliome de bas grade : de la quantification objective à l’analyse des bases neurales par IRM.

Auteure : Valentine FACQUE,
Psychologue spécialisée en neuropsychologie, Doctorante en Neurosciences cognitives à l’Institut du Cerveau

ÉTAPE 1 :
Quantification objective de la fatigabilité des patients porteurs d’un gliome de bas grade.

La fatigue est un symptôme fréquent dans la population générale. Une étude irlandaise (Cullen, Kearney, & Bury, 2002) indique que la prévalence de la fatigue dans les plaintes des patients auprès de leur médecins traitant est de l’ordre de 25% . 

Cependant la fatigue peut avoir une origine multiple et c’est seulement lorsque le symptôme dure plus de 3 mois qu’il est considéré comme un symptôme associé à une pathologie. Parmi ces pathologies on retrouve les patients atteints de cancer, qui font l’expérience de fatigue dans 60 à 99% des cas (Mitchell, 2010). 

On s’intéresse dans notre étude à un type de cancer particulier : le gliome. C’est une tumeur provenant des cellules de soutien du cerveau, les cellules de la glie. Le gliome de bas grade est un gliome d’évolution lente. Lorsqu’il est détecté, il est possible de le traiter grâce à la neurochirurgie éveillée. Cette dernière permet, en réveillant le patient pendant la chirurgie, de trouver le meilleur ratio entre l’excision tumorale tout en limitant l’impact au niveau fonctionnel. Cette technique thérapeutique permet par exemple de préserver le langage, la motricité, mais aussi des fonctions cognitives plus fines (Mandonnet & Duffau, 2018). Pour ces patients, malgré des performances cognitives en postopératoire et une qualité de vie proche de la normale, une plainte subsiste : la fatigue. Ce symptôme a une fréquence de 39 à 70% chez ces patients et surtout 39% des patients se plaignent d’une augmentation de leur fatigue après leur opération (van Coevorden-van Loon, Coomans, Heijenbrok-Kal, Ribbers, & van den Bent, 2017 ; Schei, Solheim, Jakola, & Sagberg, 2020). 

Les études menées sur la thématique de la fatigue sont pour la plupart des études où les patients reportent eux-même leur fatigue ressentie; la validité des échelles utilisées est également discutable puisque établie sur des scores normés sur une population âgée. De plus la plupart des études se basent sur la fatigabilité physique (Kim et al., 2018). C’est pour ces raisons que dans le cadre de notre étude, nous avons décidé d’adopter le prisme des études comportementales et de la théorie de la décision (Ward, 1954). En effet, des études ont montré que notre fatigue influence notre prise de décision en nous rendant plus impulsifs et sensibles aux récompenses immédiates (Blain, Hollard, & Pessiglione, 2016; Blain et al., 2019). Grâce à la modélisation computationnelle utilisée dans ces mêmes études à partir des choix impulsifs, il est possible de mettre en évidence un paramètre codant pour la fatigabilité (rapidité avec laquelle on se fatigue en faisant une tâche). Ce paramètre présente un intérêt fondamental car il permet de démêler l’origine des variations dans les choix que fait un individu. Le suivi de ce paramètre nous permet non pas de mesurer une fatigue à un instant donné mais plutôt une évolution de la fatigue au décours de l’exécution d’une tâche demandant un contrôle cognitif intense. 

Nous émettons donc l’hypothèse que les patients porteurs d’un gliome de bas grade présenteront une fatigabilité accrue, 4 mois (au moins) après leur neurochirurgie, qui se traduira au niveau comportemental, par une augmentation des choix impulsifs ainsi qu’une augmentation du paramètre computationnel de fatigue, par rapport à des sujets contrôles. 

Les résultats préliminaires que nous avons obtenus montrent en moyenne une augmentation de l’impulsivité chez les patients en postopératoire par rapport aux sujets contrôles. Une fois la modélisation computationnelle réalisée sur ces mêmes données, on retrouve cette augmentation de l’impulsivité dans l’augmentation du paramètre de fatigue. Ces résultats sont en accord avec nos hypothèses initiales. 

Cependant, malgré cet effet significatif de la condition du participant sur sa fatigabilité, on retrouve dans nos résultats une grande variabilité dans la fatigabilité objectivée chez ces patients. Une des raisons qui pourrait expliquer cette variabilité pourrait être celle de la localisation cérébrale de la tumeur visée par la neurochirurgie. En effet, d’après la littérature, une plus grande impulsivité est associée à une diminution de l’activité dans la région du gyrus frontal médian gauche au niveau du cortex préfrontal (Blain et al., 2016). Nous souhaitons approfondir cette exploration dans une future recherche.

Bibliographie

  • Cullen, W., Kearney, Y., & Bury, G. (2002). Prevalence of fatigue in general practice. Irish Journal of Medical Science, 171(1), 10–12. https://doi.org/10.1007/BF03168931
  • Mitchell, S. A. (2010). Cancer-Related Fatigue: State of the Science. PM and R, 2(5), 364–383. https://doi.org/10.1016/j.pmrj.2010.03.024
  • Mandonnet, E., & Duffau, H. (2018). An attempt to conceptualize the individual onco-functional balance: Why a standardized treatment is an illusion for diffuse low-grade glioma patients. Critical Reviews in Oncology/Hematology. https://doi.org/10.1016/j.critrevonc.2017.12.008
  • van Coevorden-van Loon, E. M. P., Coomans, M. B., Heijenbrok-Kal, M. H., Ribbers, G. M., & van den Bent, M. J. (2017). Fatigue in patients with low grade glioma: systematic evaluation of assessment and prevalence. Journal of Neuro-Oncology, 133(2), 237–246. https://doi.org/10.1007/s11060-017-2454-4
  • Schei, S., Solheim, O., Jakola, A. S., & Sagberg, L. M. (2020). Perioperative fatigue in patients with diffuse glioma. Journal of Neuro-Oncology, (0123456789). https://doi.org/10.1007/s11060-020-03403-0
  • Kim, I., Hacker, E., Ferrans, C. E., Horswill, C., Park, C., & Kapella, M. (2018). Evaluation of fatigability measurement: Integrative review. Geriatric Nursing, 39(1), 39–47. https://doi.org/10.1016/j.gerinurse.2017.05.014
  • Ward, E. (1954). The Theory of Decision Making. Psychological Bulletin, 51(4), 380–417.
  • Blain, B., Hollard, G., & Pessiglione, M. (2016). Neural mechanisms underlying the impact of daylong cognitive work on economic decisions. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 113(25), 6967–6972. https://doi.org/10.1073/pnas.1520527113
  • Blain, B., Schmit, C., Aubry, A., Hausswirth, C., Le Meur, Y., & Pessiglione, M. (2019). Neuro-computational Impact of Physical Training Overload on Economic Decision-Making. Current Biology, 29(19), 3289-3297.e4. https://doi.org/10.1016/j.cub.2019.08.054

ÉTAPE 2 :
Analyse des bases neurales par IRM et mise en correspondance avec les résultats comportementaux.

A venir.