Les nourrissons aiment-ils être imités ?

Chez le nourrisson, l’expérience d’être imité est généralement considérée comme un moteur majeur de sa cognition sociale. Reste que jusqu’à présent, ce « constat » n’était que principalement théorique. La présente étude de l’Université de Lund en Suède avait donc pour objectif d’apporter des preuves concrètes des effets de l’imitation sur l’interaction sociale entre un bébé et un adulte. Les nourrissons aiment-ils qu’on les imite ?

Pour le bébé, les bienfaits théoriques d’être imité ont été très largement exposés. Le fait d’être imité par l’adulte favoriserait chez lui le développement de compétences socio-cognitives, dont la conscience de soi, la théorie de l’esprit (compréhension des intentions et états mentaux d’autrui) ou encore l’acquisition de normes culturelles. Mais comme le soulignent les auteurs de la présente étude parue dans Plos One, il n’y avait pas de données concrètes convaincantes qui démontraient premièrement, que les nourrissons savent quand on les imite et deuxièmement, que cela a un quelconque effet sur eux. Pour remédier à ce manque de preuves empiriques, les chercheurs suédois ont décidé de mener une étude avec des bébés de 6 mois environ (5 filles et 11 garçons ; moyenne âge = 6.5 mois).

Une membre de l’équipe a alors interagi avec eux de 4 manières différentes : soit elle imitait le nourrisson, ses actions corporelles (comme un reflet dans le miroir ou un reflet inversé, imitation controlatérale dans ce cas), ses expressions faciales et ses vocalisations ; soit elle imitait ses gestes tout en affichant un visage neutre (absence de mimétisme émotionnel facial et vocal) ; soit elle répondait à ses besoins lorsqu’il semblait demander quelque chose. A noter que ce dernier comportement, appelé « réponse contingente », correspond à celui généralement adopté par les proches du bébé.

Grâce aux interactions filmées et à l’analyse du comportement des jeunes sujets, les scientifiques ont pu établir que les nourrissons souriaient et regardaient plus longuement l’adulte qui les imitaient. Ils avaient également tendance à réduire la distance physique entre eux. Et comme on peut le constater dans la séquence vidéo que les auteurs de l’étude ont publiée, (https://www.youtube.com/watch?v=63u7l5-x1Hk&feature=youtu.be), les nourrissons n’ont pas manqué de tester la chercheuse. Ainsi, lorsque le bébé tape sur la table et que l’expérimentatrice l’imite, il va frapper à nouveau plusieurs fois tout en surveillant l’attitude de son interlocutrice (même si elle garde un visage impassible). Ce comportement (comme celui d’accélérer ou de ralentir ses gestes pour voir si la personne en face de nous fait de même) révèle que les sujets de 6 mois ont conscience d’être imités.

Selon les auteurs, les résultats montrent que « l’imitation engendre des effets prosociaux chez les nourrissons de 6 mois » et [qu’à cet âge], ils montrent de manière fiable des preuves de reconnaissance d’imitation implicite et de haut niveau. » Dans la mesure où ils aiment être imités, même par une personne qu’ils ne connaissent pas, imiter de jeunes bébés représente « un moyen efficace de capter leur intérêt et de créer des liens avec eux » ajoute Gabriela-Alina Sauciuc, membre de l’équipe de recherche.

Mickaël Lenfant
Docteur en Sciences du Langage, Service éditorial HappyNeuron

 

Source : Gabriela-Alina Sauciuc, Jagoda Zlakowska, Tomas Persson, Sara Lenninger, Elainie Alenkaer Madsen. Imitation recognition and its prosocial effects in 6-month old infants, in PLOS ONE , mai 2020. Site de l’Université de Lund : « watch-babies-know-when-you-imitate-them-and-like-it » – https://www.lunduniversity.lu.se/article/watch-babies-know-when-you-imitate-them-and-like-it