Un déficit au niveau de l’attention auditive engendrerait des troubles dyslexiques

 

Une étude récente de M. Lallier, qui s’intéresse aux mécanismes de l’attention auditive a été publiée en décembre 2018 dans la revue A.N.A.E, intitulée:
“Attention auditive, théorie de l’attention dynamique et dyslexie développementale”
D’après cette étude, lorsque la synchronisation neuronale qui est en lien avec les unités prosodiques et syllabiques de la parole est atypique, elle peut provoquer une analyse défaillante de la structure rythmique, qui serait due à un ralentissement au niveau du déplacement attentionnel auditif. Ce déplacement attentionnel auditif, serait donc à l’origine d’une perturbation de l’apprentissage phonémique et de l’acquisition de la lecture dans les stades de développement ultérieurs.

En effet, bien avant l’accès à la lecture, et même dès les premiers mois de vie, les enfants sont exposés aux signaux langagiers de la parole. Ceci leur permettra de développer dans un premier temps un répertoire phonologique et plus tard, avec l’acquisition de la lecture une conscience phonologique.

Dans certaines formes de dyslexie développementale, l’origine des troubles a été attribuée à des difficultés  au niveaux du traitement phonologique et plus précisément à la rapidité du traitement auditif. L’intérêt des chercheurs dans les modalités auditives en lien avec la parole s’est donc accru.

Des hypothèses sur les dyslexies, cherchant à montrer des cohérences  entre les déficits de traitement auditifs temporels et le dysfonctionnement du système auditif, dans l’analyse des propriétés  physiques de la parole, ont mis au clair deux composantes temporelles distinctes:

a- Une structure temporelle fine (variation de pressions rapides), informant sur le contenu spectral de la parole.
b- Une structure temporelle plus lente, secondaire à la temporelle fine et qui informe sur l’enveloppe de la parole.

Pour étudier les dyslexies auditives temporelles, il faudrait d’abord bien comprendre le système auditif avec ses rythmes temporels disparates, pour déterminer par la suite lequel des systèmes de traitement temporel serait déficitaire.

La théorie de l’attention dynamique suppose qu’il est impossible de traiter au même niveau toutes les informations auditives qui nous sont transmises. Une sélection attentionnelle est donc mise en place, priorisant certains rythmes pour faciliter l’accès à la parole. Pour ce faire, un mécanisme de   synchronisation s’établit entre son propre rythme attentionnel auditif et celui de la périodicité des rythmes de la parole.  Ce mécanisme s’effectuera sur des bases séquentielles et non simultanées  par alternance des facultés attentionnels auditives entre un maxima et un minima, suivant le rythme des séquences temporelles. Ainsi, les stimuli les moins saillants, génèrent un minima de focus attentionnel, qui serait de l’ordre d’un désengagement.

Il semblerait, que pour ce qui est de la parole les rythmes prosodiques et syllabiques lents sont des attracteurs de la sélectivité attentionnelle et sont par conséquent prioritaires. A titre d’exemple, l’accent syllabique dont l’importance est majeure pour le développement du langage.

Le ralentissement ou le désengagement de l’attention auditive constitue pour certains, une théorie explicative des troubles phonologiques dans les dyslexies. Le traitement attentionnel oscillatoire serait donc déficitaire.
Les études en neuro-imagerie ont pu montrer des corrélations biologiques avec le déficit oscillatoire  attentionnel  auditif, le cerveau suivrait minutieusement les fluctuations des différents rythmes de la parole tout en synchronisant l’attention alternée en oscillations neuronale. Les deux hémisphères auraient des implications différentes dans la synchronisation du rythme de la parole. L’hémisphère droit serait responsable de la synchronisation lente (prosodique et syllabique), quand les deux hémisphères droit et gauche participeraient à la synchronisation des rythmes rapides (phonémiques). Des études ont pu démontrer, chez des groupes dyslexiques, une synchronisation  neuronale plus faible dans le rythme prosodique par rapport au groupe contrôle. Ce déficit était perçu dans l’hémisphère droit, ainsi que dans le gyrus frontal inférieur de l’hémisphère gauche.

Les résultats de ces études sont intéressantes, car elles présentent de nouvelles pistes permettant des interventions précoces dans les troubles de la perception du rythme pouvant générer de potentiels troubles de lecture. Ces études préconisent un entrainement qui se focalise sur la sensibilité  au rythme et les programmes de rééducations qui vont dans le sens de la synchronisation attentionnelle au signal langagier pourraient faire preuve de grande efficacité.

Samar DIMACHKI,
Orthophoniste, Doctorante en Sciences cognitives – Neuropsychologie et Neurosciences cliniques

D’après l’article :
“Attention auditive, théorie de l’attention dynamique et dyslexie développementale” – Lallier, M. (2018). A.N.A.E., 157, 707-714.